Troubles sensoriels et difficultés d'écriture ?

Mise en contexte :

Dans cette vidéo je vous parle des répercussions possibles des troubles du traitement l'information sensorielle sur l'écriture. Nous reparlerons, dans une prochaine publication, de stratégies pour soutenir l'enfant avec des besoins à ce niveau mais d'abord, faisons un survol théorique afin de bien nous représenter les différents facettes de ce trouble et comment il peut affecter l'enfant dans ses activités d'écriture.

Le texte ci-dessous reprend les points clés de la vidéo mais va un peu plus loin...

Une écriture fonctionnelle dépend d'une perception fonctionnelle qui elle dépend, entre autres, d'une intégration sensorielle fonctionnelle…donc d'une bonne modulation sensorielle, d'une bonne discrimination sensorielle et d'une bonne utilisation des informations somatosensorielles pour organiser la posture et planifier les mouvements fins du crayon.

En tant qu'ergothérapeute en pédiatrie, j'ai souvent l'opportunité de travailler avec des enfants en difficultés avec leur écriture. Les demandes de services sont nombreuses étant donné que l'écriture est un élément incontournable aux apprentissages scolaires.

L'évaluation / le bilan débute toujours la prise en charge de l'ergothérapeute. Afin de pouvoir intervenir avec précision, je dois préciser l'origine des situations de handicap.

Je tiens compte de l'environnement dans lequel il se trouve, des caractéristiques des activités auxquelles l'élève participe et de ses capacités. Parmi les capacités qui interviennent durant l'écriture, sera considérée la qualité du traitement de l'information sensorielle qui est particulièrement importante.   

Exemple de difficultés qui peuvent être associées à des troubles sensoriels

• N'aime pas, tente d'éviter ou s'oppose aux activités d'écriture
• N'est pas attentif, manque les consignes, ne retient pas les consignes
• Est inconfortable avec la couleur des lettres sur la feuilles, les bruits dans l'environnement, la lumière des néons dans la classe, avec la sensation du crayon dans la main
• A une posture instable, gigote sur sa chaise, se lève souvent, tombe de sa chaise
• Mâchouille son crayon, ses doigts, sa gomme à effacer
• Joue avec son crayon, l'échappe
• Produit difficilement une écriture lisible
• Se fatigue facilement durant l'écriture, manque d'endurance
• Est plus lent à initier ou pour compléter les activités
• Copie incorrectement (omet, répète des lettres)
• Tient le crayon trop faiblement / fortement (peut avoir des douleurs associée à la tension exagérée)
• Ne place pas/ ne replace pas ses doigts à un endroit optimal sur le crayon lorsque nécessaire
• Brise souvent la mine du crayon en écrivant
• Fait des trous quand il gomme le papier
• Les tracés sont trop pâles ou trop foncés
• Inverse certaines lettres
• Aligne mal les lettres sur la lignes
• Planifie mal les espacements

Il est bénéfique de bien comprendre les troubles du traitement de l'information sensorielle afin de déterminer s'ils sont en cause et d'en tenir compte dans la planification de l'intervention.

Le traitement de l'information sensorielle :

C'est le processus par lequel le système nerveux va aller capter des informations dans l'environnement externe et dans l'environnement interne, c'est-à-dire de l'intérieur de mon corps. C'est de l'information que je vais utiliser pour réguler les besoins de mon corps et agir sur l'environnement.

Voici un modèle pour décrire différents types de troubles du traitement de l'information sensorielle

Le trouble de la modulation sensorielle

On pourrait définir la modulation sensorielle comme la capacité de filtrer l'information qui est disponible, de percevoir et d'ajuster l'intensité du message sensoriel en fonction de l'importance pour le contexte.

Le trouble de la modulation sensorielle, peut se manifester sous forme d'hypersensibilité, d'hyposensibilité ou de recherches sensorielles.

Lorsqu'il y a une hypersensibilité sensorielle, l'enfant peut percevoir trop d'informations et se sentir surchargé.

Cela peut se manifester par exemple par une gêne liée à la sensation du crayon dans la main ou par une agression visuelle ou auditive due aux bruits ou à la lumière (ex. néons, mouvements des autres élèves dans la classe) de l'environnement (ex. bruits ambiants provenant du corridor ou de tondeuse à l'extérieur). Dans ce cas, l'enfant peut ressentir le besoin de se dépêcher de terminer ce qu'il est en train de faire.

En revanche, lorsqu'il y a une hyposensibilité sensorielle, l'enfant peut avoir du mal à percevoir suffisamment d'informations. Cela peut se manifester par exemple par une difficulté à adopter une posture adéquate pour écrire ou à contrôler le crayon parce que le système nerveux de l'enfant n'enregistre pas les repères de la position de son corps ou de sa main dans l'espace. Dans ce cas, l'enfant peut devenir léthargique, désengagé OU chercher à obtenir davantage d'informations par des comportements de recherches sensorielles, par exemple en se levant, en gigotant ou en manipulant son matériel scolaire (ex. mâchouiller son crayon ou le taper sur le pupitre).

L'enfant avec un trouble de la modulation sensorielle agit trop (recherches sensorielles), réagit trop (hyper-réactivité) ou pas assez (hyporéactivité).

En somme, une pauvre modulation sensorielle est sujette à affecter mon niveau d'éveil, mon sentiment de sécurité, ma disponibilité, ma concentration, mes comportements (ma capacité de réagir de manière adéquatement) et surtout de faire des apprentissages qui impliquent de l'écriture.

Le trouble de la discrimination sensorielle

La discrimination sensorielle est une compétence cognitive essentielle pour réaliser des activités d'écriture de manière efficace et précise. Elle consiste en la capacité de distinguer les différentes caractéristiques sensorielles des choses, comme par exemple la forme, la couleur, la texture ou le son.

La discrimination tactile, par exemple, permet de percevoir les différents points de contact du crayon entre les doigts, tandis que la discrimination proprioceptive permet préciser la position des muscles, articulations et ligaments lorsqu'ils sont sollicités. La proprioception informe le système de la position de ces structures au moment présent.  La discrimination visuelle est importante quant à elle pour percevoir les lignes entre lesquelles installer mes lettres et les formes des lettres, par exemple pour distinguer un b d'un d. Puis, de toute évidence, dans une activité de copie, il faut pouvoir discriminer les mots et les ponctuations à recopier. Enfin, dans une activité où il faut comprendre des consignes, de prise de notes à partir d'enseignements verbaux ou de dictée, la discrimination auditive est d'autant plus essentielle.

Le trouble moteur d'origine sensorielle

Les troubles moteurs d'origine sensorielle sont des troubles du traitement sensoriels qui affectent la motricité. Pour que ma motricité soit précise et fonctionne comme je l'ai anticipé, je dois visualiser et planifier une action motrice. Pour préparer ce plan moteur, j'ai besoin d'informations sensorielles sur mon corps, comme la position de mon corps dans l'espace et la position de ma main dans l'espace, ainsi que la distance entre mes doigts. J'ai également besoin d'une représentation stéréotypée de mon corps, appelée schéma corporel, qui se construit depuis mon plus jeune âge et qui inclut des informations sur ma taille, la longueur de mes bras et de mes jambes, et la façon dont mes membres sont articulés à partir duquel je planifie mes mouvements.

Les troubles moteurs d'origine sensorielle peuvent se manifester par des problèmes de coordination, de précision, d'ajustement de la force ou de la vitesse dans les mouvements, et peuvent être causés par des problèmes au niveau de la modulation et de la discrimination des informations sensorielles ou par une mauvaise utilisation de ces informations pour planifier et exécuter des mouvements.

L'enfant qui a un trouble moteur d'origine sensorielle a donc des difficultés à obtenir de l'information fiable ou à utiliser celle-ci pour faire des plans moteurs adéquats pour l'écriture. Il peut s'agir d'informations tactiles (doigts en contact avec le crayon) et proprioceptives (sensation de la position de la main dans l'espace et des doigts les uns par rapport aux autres) mais aussi vestibulaire. Le système vestibulaire est situé dans l'oreille interne qui mesure, entre autres, la position de la tête par rapport à la gravité. Si cette information n'est pas exacte, il est difficile de s'organiser au niveau postural, ce qui peut entraîner une posture instable et des difficultés pour contrôler ses mouvements, comme écrire ou manipuler des objets.

L'enfant avec un trouble moteur d'origine sensorielle doit utiliser ses yeux pour compenser. Cependant, mobiliser les yeux pour la planification motrice du crayon garde l'enfant concentré sur ses mouvements, donc moins disponible pour la planification, appréciation et révision du contenu et de aspects grammaticaux/syntaxiques/orthographiques de l'écriture. Il est aussi plus lent parce qu'il doit faire ces étapes en deux temps et parce qu'il arrivera rarement à automatiser son écriture.

À savoir / retenir

• L'enfant qui n'a pas officiellement de « trouble » du traitement de l'information sensorielle peut quand même avoir des difficultés sensorielles qui peuvent affecter son écriture (donc il faut s'en préoccuper.
• La présence et l'intensité des difficultés liées à un trouble de la modulation sensorielle sont variables selon les heures/ jours en fonction de l'état du système nerveux (ex. fatigue, anxiété, maladie...). Les difficultés de discrimination et motrices d'origine sensorielles sont généralement constantes.
• L'enfant peut avoir un ou l'autre des troubles mais aussi deux ou les trois (modulation-discrimination-TMOD).
• L'enfant peut aussi avoir un trouble de la modulation sensorielle de type mixte ou variable entre l'hyper, l'hypo et la recherche sensorielle.

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